
Le Trouble Dissociatif de l’Identité (TDI), autrefois appelé trouble de la personnalité multiple, est l’un des troubles psychiques les plus fascinants et les plus complexes. On le retrouve dans de nombreux films et séries, mais la réalité est souvent bien différente de la fiction.
Quand plusieurs « moi » cohabitent…
« Attends, tu veux dire que c’est vraiment possible d’avoir plusieurs personnalités ? »
Eh bien… Oui, mais pas comme dans Split ! Avant de plonger dans les clichés, voyons comment fonctionne réellement ce trouble.
Qu’est-ce que le TDI ?
Le TDI est un trouble dissociatif caractérisé par la présence de deux ou plusieurs identités distinctes chez une même personne. Ces identités, aussi appelées alters, peuvent avoir :
- Des noms, âges et genres différents.
- Des souvenirs, goûts et manières de parler distincts.
- Des comportements qui peuvent sembler radicalement opposés.
Ce trouble ne se développe pas par hasard. Il résulte généralement d’un traumatisme sévère survenu pendant l’enfance, souvent entre 0 et 9 ans. À cet âge, l’enfant ne peut pas encore gérer des événements extrêmement stressants (violences, abus, négligence…). La dissociation devient alors un mécanisme de survie : pour supporter l’insupportable, l’esprit se fragmente et crée d’autres identités capables de gérer la douleur.
Ce phénomène, appelé dissociation structurelle, permet de scinder la conscience pour éviter la souffrance. Chaque fragment ou « alter » peut ainsi contenir une facette spécifique du trauma :
- Un alter protecteur qui prend en charge les situations dangereuses.
- Un alter enfant, bloqué dans l’âge du traumatisme.
- Un alter agressif, reproduisant les comportements du bourreau.
Avec le temps, ces alters deviennent de plus en plus indépendants, jusqu’à mener à une coexistence permanente de plusieurs identités.
« Mais attends… tout le monde ne développe pas un TDI en vivant un trauma ? »
Exactement ! La dissociation est une réponse naturelle au stress, mais dans le TDI, elle est extrême et durable.
Comment fonctionne la dissociation ?
Quand un événement traumatique survient, le cerveau cherche à protéger l’individu en séparant l’expérience douloureuse du reste de son esprit. Dans le cas du TDI :
- Les souvenirs du trauma peuvent être répartis entre différentes identités.
- Chaque alter peut avoir sa propre perception de la réalité.
- Certains alters ne sont même pas conscients des autres !
Cette dissociation est tellement forte qu’elle peut provoquer des trous de mémoire (amnésie dissociative). Une personne atteinte de TDI peut ainsi se « réveiller » dans un endroit inconnu sans comprendre comment elle est arrivée là, simplement parce qu’un autre alter a pris le contrôle entre-temps.
« Donc en gros, il y a plusieurs personnes dans une seule tête ? »
Pas vraiment. Il ne s’agit pas de plusieurs personnes, mais d’un même individu dont l’identité s’est fragmentée.
Les symptômes du TDI
Les manifestations du TDI varient selon les individus, mais on retrouve des signes récurrents :
🔹Pertes de mémoire (Amnésie dissociative)
Les personnes atteintes de TDI peuvent ne pas se souvenir de certaines actions qu’elles ont effectuées. Par exemple, elles peuvent retrouver des objets qu’elles ne se rappellent pas avoir achetés ou constater que quelqu’un a répondu à leurs messages à leur place.
🔹 Alternance entre les identités
Les changements d’alters peuvent être déclenchés par des événements stressants ou se produire spontanément. Certains alters peuvent avoir des voix, des âges, des façons de parler ou même des préférences alimentaires différentes.
🔹 Symptômes physiques et psychologiques
Le TDI s’accompagne souvent de :
- Anxiété sévère et crises de panique.
- Dépression, tendances suicidaires.
- Troubles du sommeil (cauchemars, insomnies).
- Douleurs inexpliquées, maux de tête fréquents.
🔹Sentiment de dépersonnalisation et de déréalisation
Les personnes atteintes de TDI décrivent souvent la sensation de ne pas être elles-mêmes, comme si elles étaient observatrices de leur propre vie (Simeon & Abugel, 2006).
Les critères diagnostiques du DSM-5
Pour poser un diagnostic de TDI, plusieurs critères doivent être réunis :
- Présence d’au moins deux identités distinctes (appelées alters) : avec une perception différente de soi et du monde.
- Amnésie dissociative : oublis récurrents d’événements quotidiens, d’informations personnelles ou de traumatismes passés.
- Détresse significative ou impact sur le fonctionnement social, professionnel ou personnel.
- Trouble non imputable aux effets d’une substance (drogue, alcool) ou à une condition médicale (ex. épilepsie).
Contrairement aux idées reçues, les alters ne sont pas de simples « rôles » que l’on joue volontairement. Ce sont des états de conscience distincts, avec parfois des souvenirs, des émotions et même des voix internes différentes.
Diagnostic : Un processus long et complexe
Le diagnostic de TDI est difficile, car ses symptômes peuvent ressembler à d’autres troubles, comme la schizophrénie ou le trouble borderline. Les professionnels utilisent des outils comme le SCID-D (Structured Clinical Interview for DSM-IV Dissociative Disorders, Steinberg, 1994).
Peut-on guérir du TDI ?
« Donc une personne atteinte de TDI est condamnée à vivre avec ? »
Pas forcément. Avec un suivi adapté, les personnes atteintes de TDI peuvent apprendre à mieux gérer leurs alters et à réduire les symptômes.
Psychothérapie : La clé du traitement
Il n’existe pas de médicament spécifique contre le TDI, mais plusieurs approches thérapeutiques sont efficaces :
🔹Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) :
Apprendre à mieux gérer les changements d’identités.
Cette psychothérapie repose sur l’idée que nos pensées influencent nos émotions et nos comportements. Développée par Aaron Beck, elle vise à identifier et restructurer les schémas cognitifs négatifs qui entretiennent l’anxiété, la dépression ou d’autres troubles psychologiques. Grâce à des techniques comme la restructuration cognitive et l’exposition graduelle, elle permet aux patients de modifier leurs réactions face aux situations stressantes. Son efficacité a été largement prouvée dans le traitement des troubles anxieux, des phobies et du trouble de stress post-traumatique (TSPT).
🔹Thérapie des États du Moi :
Renforcer la communication entre alters.
La thérapie des États du Moi s’appuie sur le principe que notre personnalité est constituée de différentes parties ou « états du moi », qui peuvent parfois entrer en conflit. Issue des travaux de Watkins et Watkins, elle est particulièrement adaptée aux personnes ayant vécu des traumatismes, notamment celles souffrant de dissociation. En explorant ces sous-personnalités et en favorisant leur intégration, cette approche permet de résoudre des conflits internes, de restaurer une cohésion psychique et d’atténuer les symptômes post-traumatiques.
🔹EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) :
Traiter les souvenirs traumatiques.
Développée par Francine Shapiro, l’EMDR est une méthode scientifiquement validée pour le traitement du stress post-traumatique. Elle repose sur la stimulation bilatérale (mouvements oculaires, sons ou tapotements) afin de favoriser le retraitement des souvenirs traumatiques. Ce processus aide à désensibiliser la charge émotionnelle associée aux traumatismes et permet d’ancrer des croyances positives. Recommandée par l’OMS, l’EMDR est aujourd’hui considérée comme l’un des traitements les plus efficaces pour soulager les séquelles des expériences traumatiques.
🔹Hypnose clinique :
Travailler sur les dissociations en douceur.
C’est une approche thérapeutique fondée sur la modification de l’état de conscience. En induisant un état hypnotique, elle facilite l’accès à l’inconscient et permet de travailler sur des problématiques variées comme l’anxiété, la douleur chronique et les troubles dissociatifs. Basée sur les travaux de Milton Erickson, elle combine suggestions directes et métaphores thérapeutiques pour aider le patient à surmonter ses difficultés. De nombreuses études ont démontré son efficacité dans la gestion du stress, la réduction de la douleur et l’amélioration de la résilience psychologique (cf. article hypnothérapie)
Le but n’est pas toujours de « fusionner » toutes les identités, mais plutôt de trouver un équilibre et une meilleure communication entre elles.
Bref…
Le Trouble Dissociatif de l’Identité est un mécanisme de défense extrême face à un traumatisme sévère. Ce n’est ni une fiction, ni un choix, mais une condition psychologique bien réelle qui peut être prise en charge.
Et surtout… il ne faut pas confondre TDI et schizophrénie ! Contrairement aux idées reçues, ce sont deux troubles complètement différents.
Alors, si tu penses être concerné(e) ou si tu connais quelqu’un qui pourrait l’être, n’hésite pas à consulter un professionnel !
Bibliographie :
- American Psychiatric Association (2013). DSM-5 : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.
- Beck, A. T. (1976). Cognitive Therapy and the Emotional Disorders. New York: International Universities Press.
- Butler, A. C., Chapman, J. E., Forman, E. M., & Beck, A. T. (2006). The empirical status of cognitive-behavioral therapy: A review of meta-analyses. Clinical Psychology Review, 26(1), 17-31.
- Jensen, M. P., Adachi, T., & Hakiman, R. (2015). Hypnosis for chronic pain management: A new hope. Pain Management, 5(3), 177-186.
- Van der Hart, O., Nijenhuis, E., & Steele, K. (2006). The Haunted Self: Structural Dissociation and the Treatment of Chronic Traumatization.
- Ross, C. A. (1997). Dissociative Identity Disorder: Diagnosis, Clinical Features, and Treatment of Multiple Personality.
- Shapiro, F. (2001). Eye Movement Desensitization and Reprocessing: Basic Principles, Protocols, and Procedures. Guilford Press.
- Spiegel, D. (2013). Hypnosis and the brain. American Journal of Clinical Hypnosis, 55(3), 219-230.
- World Health Organization (2013). Guidelines for the management of conditions that are specifically related to stress.
FAQ
🔹 Le TDI, est-ce la même chose que la schizophrénie ?
Non ! Contrairement à une idée reçue, la schizophrénie est un trouble psychotique affectant la perception de la réalité, tandis que le TDI est un trouble dissociatif causé par un traumatisme sévère.
🔹 Comment savoir si on a un TDI ?
Le diagnostic doit être posé par un professionnel de santé (psychiatre, psychologue) après une évaluation approfondie. Des symptômes comme des pertes de mémoire inexpliquées, des changements de personnalité involontaires ou des voix internes peuvent être des signes.
🔹 Est-ce que le TDI se soigne ?
Oui, mais il n’existe pas de traitement médicamenteux spécifique. La psychothérapie est la prise en charge la plus efficace pour aider à mieux gérer les alters et réduire la dissociation.
🔹 Est-ce que tout le monde peut avoir un TDI ?
Non. Le TDI se développe uniquement chez les personnes ayant subi des traumatismes sévères et répétés durant l’enfance. Ce n’est pas un trouble « héréditaire » ni une condition qui apparaît spontanément.
🔹 Peut-on vivre normalement avec un TDI ?
Oui ! Avec un bon suivi thérapeutique, certaines personnes atteintes de TDI parviennent à trouver un équilibre et à vivre une vie fonctionnelle, même si cela demande du temps et du travail.
MARIUS François Psychologue et Hypnothérapeute Moulins 03000