
Si vous passez du temps sur TikTok, vous avez sûrement déjà vu des vidéos où des jeunes présentent des tics, des comportements compulsifs ou encore des symptômes de troubles psychologiques. Mais ce que vous voyez n’est pas forcément un diagnostic médical… Le « syndrome TikTok » est un phénomène fascinant où des adolescents développent des symptômes neuropsychiatriques en raison d’une exposition prolongée aux réseaux sociaux.
« Attends, tu veux dire que regarder TikTok peut me rendre malade ? »
Pas exactement, mais il peut influencer ton cerveau plus que tu ne le crois !
Quand les réseaux sociaux façonnent les symptômes
Depuis la pandémie de COVID-19, des médecins ont signalé une augmentation soudaine de jeunes patients, surtout des adolescentes, présentant des tics ressemblant à ceux du syndrome de Tourette. Un point commun entre ces patients ? Une consommation excessive de vidéos TikTok sur le sujet.
En 2021, une étude publiée dans le British Medical Journal (Pringsheim et al., 2021) a montré que ces symptômes ne correspondent pas aux tics classiques du syndrome de Tourette. Contrairement aux tics moteurs et vocaux chroniques qui apparaissent progressivement dans l’enfance, les « tics TikTok » sont souvent soudains, complexes et influencés par des contenus visionnés en ligne.
Ce phénomène du syndrome TikTok est un cas d’hystérie collective numérique, où l’identification excessive aux créateurs de contenu entraîne l’apparition involontaire de symptômes.
Un phénomène de contagion psychologique
L’apparition de symptômes après l’exposition à du contenu en ligne n’est pas une nouveauté. En psychologie, on parle de trouble dissociatif ou d’imitation maladaptative. D’ailleurs, les recherches sur les troubles psychosomatiques ont déjà observé ce phénomène à travers l’histoire :
- Au XIXe siècle, Charcot décrivait déjà des « épidémies de crises hystériques » dans les asiles.
- Dans les années 1990, des adolescentes japonaises développaient des troubles alimentaires après avoir vu des émissions glorifiant la minceur.
- En Guyane, ce phénomène existe toujours sous le nom de crise de Baclou (ici).
- Aujourd’hui, TikTok amplifie ce phénomène avec des millions de vidéos qui « normalisent » certaines maladies mentales.
Des chercheurs de l’Université de Calgary (Heyman et al., 2022) ont montré que les algorithmes favorisent les contenus émotionnellement intenses, créant un effet de renforcement qui pousse les jeunes à s’identifier aux troubles qu’ils voient.
« Ok, mais est-ce que ces tics TikTok sont réels ? »
Oui et non ! Les symptômes sont bien présents, mais ils sont souvent fonctionnels : ils ne résultent pas d’une maladie neurologique, mais d’un mécanisme d’adaptation inconscient à un stress ou une anxiété sous-jacente.
Pourquoi le syndrome TikTok touche-t-il principalement les jeunes ?
Les adolescents sont plus vulnérables à ces influences pour plusieurs raisons :
- Leur cerveau est encore en développement, notamment le lobe frontale, région impliquée dans la régulation émotionnelle et l’impulsivité (Giedd et al., 2015).
- L’effet de groupe joue un rôle crucial : voir d’autres jeunes exprimer des symptômes peut légitimer et renforcer leur apparition.
- Les troubles anxieux et dépressifs sont en hausse, et certaines personnes trouvent du réconfort dans l’identification à une communauté en ligne.
Les dangers de la sur-identification aux troubles mentaux
Si TikTok peut être une plateforme d’entraide et de sensibilisation, elle peut aussi induire des diagnostics erronés. Certains utilisateurs s’auto-diagnostiquent des troubles psychiatriques sur la base de vidéos virales, parfois sans fondement scientifique.
Les chercheurs mettent en garde contre le danger de l’auto-étiquetage : croire que l’on souffre d’un trouble peut accentuer les symptômes et influencer l’identité d’une personne. C’est ce qu’on appelle « l’effet nocebo » : plus on pense être malade, plus on risque de le devenir.
Peut-on soigner ce syndrome TikTok ?
Heureusement, plusieurs stratégies permettent de réduire ces symptômes induits par TikTok :
- Limiter l’exposition aux contenus liés aux troubles psychiatriques.
- Encourager un accompagnement médical plutôt que l’auto-diagnostic en ligne.
- Travailler sur la gestion du stress et de l’anxiété, qui sont souvent sous-jacents à ces symptômes (coup de pouce ici).
- Favoriser des activités hors écran, pour éviter que l’attention ne soit focalisée sur les troubles perçus.
De nombreux cas montrent que lorsqu’un jeune cesse de regarder ces vidéos, les symptômes disparaissent progressivement.
En bref : un syndrome à surveiller
Le « syndrome TikTok » est une illustration moderne d’un phénomène psychologique bien connu : l’influence sociale et la contagion émotionnelle. S’il est essentiel de parler de santé mentale, il est tout aussi crucial de le faire avec un regard critique et basé sur la science.
Comme pour tout, la modération est la clé : sensibiliser sans sur-pathologiser, informer sans induire de nouveaux troubles.
Bibliographie
- Bandura, A. (1977). Social Learning Theory. Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall.
- Charcot, J.-M. (1890). Leçons sur les maladies du système nerveux faites à la Salpêtrière. Paris: Bureaux du Progrès Médical.
- Giedd, J. N. (2015). The amazing teen brain. Scientific American, 312(6), 32-37.
- Heyman, I., Liang, H., & Hedderly, T. (2022). TikTok tics: A pandemic within a pandemic. Archives of Disease in Childhood, 107(6), 613-614.
- Lorenz, K. (1965). Evolution and Modification of Behavior. University of Chicago Press.
- Pringsheim, T., Martino, D., & Rapid Onset Functional Tic-Like Behaviors Study Group. (2021). Rapid onset functional tic-like behaviors in young females during the COVID-19 pandemic. British Medical Journal, 376, n2189.
FAQ :
Le syndrome TikTok est-il une maladie ?
Non, il s’agit d’un phénomène de mimétisme psychologique influencé par l’exposition aux contenus en ligne.
Peut-on vraiment développer des tics en regardant des vidéos ?
Oui, certaines personnes peuvent inconsciemment imiter des symptômes observés en ligne, surtout en cas de stress ou de fragilité émotionnelle.
Ce phénomène est-il irréversible ?
Non, la majorité des symptômes disparaissent avec une réduction de l’exposition et une prise en charge adaptée.
Pourquoi les adolescents sont-ils les plus touchés ?
Leur cerveau en développement et leur sensibilité aux dynamiques sociales les rendent plus vulnérables aux effets d’identification.
Que faire si mon enfant est concerné ?
Limiter l’exposition aux contenus sur les troubles mentaux et consulter un professionnel de santé pour une évaluation approfondie.
MARIUS François Psychologue et Hypnothérapeute Moulins 03000