
L’addiction est souvent perçue comme un simple manque de volonté. Pourtant, il s’agit d’un phénomène bien plus complexe impliquant des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Qu’il s’agisse de substances (alcool, tabac, drogues) ou de comportements (jeux vidéo, alimentation, réseaux sociaux), l’addiction suit des mécanismes précis qui rendent le sevrage difficile.
À travers cet article, nous explorerons le processus d’installation de l’addiction, son rôle dans la vie du consommateur et les solutions thérapeutiques existantes. Loin d’être une fatalité, il est possible d’en sortir grâce à une approche adaptée et un accompagnement structuré.
Les mécanismes de l’addiction, ou comment l’individu devient esclave de son plaisir
« De toutes façons l’addiction n’existe pas, c’est qu’une question de volonté ! »
Non Josiane, tu te trompes !
Si l’addiction était seulement une question de volonté, ce ne serait pas un problème international. Il n’y aurait pas autant de structures pour cette problématique et encore moins de recherches scientifiques sur le sujet (l’addiction est l’un des sujets les plus fournis en recherche). Il y aurait seulement des programmes de coaching et des huiles essentiels pour aider à « s’affirmer face à la cigarette ».
Le modèle Bio-Psycho-Social de l’addiction :
Alors oui, il est possible de déjouer l’addiction en refusant un verre d’alcool ou une bouffée sur un joint, mais pas lorsqu’elle s’est déjà installée. Et pour s’installer, elle va devoir passer par la « triade personne-substance-environnement » (ou « bio-psycho-social ») pour accrocher l’individu ou non.
🔹Personne :
Tout ce qui concerne les facteurs intrinsèques du consommateur (génétique, personnalité, histoire de vie, style de vie…)
🔹Substance :
Les modalités propres à la substance consommée (disponibilité, accessibilité, effets…)
🔹Environnement :
Contexte actuel du consommateur (stress, soutien social, anxiété, humeur…) et de la consommation (festif, social, défi…)
La personne va donc utiliser la substance dans un environnement et lui donner une fonction.
La fonction de l’addiction :
« Je fume pour oublier mes problèmes »
Oui Josiane, mais c’est quand même un gros raccourci
Quand on parle de fonction, c’est le rôle que va prendre la substance dans la vie du consommateur, du moins, au départ et le confinement l’a confirmé. Un apéro en visio et c’est le début des ennuis. Bon nombre de personnes ont commencé comme ça et ça partait d’une intention légitime. « On est à domicile, personne ne conduit, la bière est fraîche et demain c’est télétravail ». La visio se déroule bien, on se voit, on discute, on rigole, pas de masque chirurgicale… Bref, un bon moment qui fait du bien dans ce contexte. Le truc c’est que le cerveau humain n’est pas très malin. Il enregistre ce bon moment comme un rayon de soleil dans un ciel nuageux depuis des semaines.
« Et alors, c’est pas une bonne chose d’avoir des bons souvenirs ? »
Bien sûr que si, mais il va inconsciemment le lier à l’alcool, c’est ce qu’on appelle le conditionnement et c’est
le principe à la base de l’addiction.
Alors, la prochaine fois que Jean-Mi passera une journée horrible de télétravail et qu’il aurait bien besoin de se changer les idées avec ses amis en visio, son cerveau va lui murmurer à l’oreille « une bonne bière, c’est pareil ». D’un point de vue hormonal, c’est vrai, l’alcool augmente la libération de sérotonine (humeur), de dopamine (motivation) et d’endorphine (opioïde). Ce sont ces mêmes neurotransmetteurs qui sont sécrétés lorsqu’un individu rigole, mange, pratique une activité physique ou lors de l’orgasme…
Finalement, que les amis de Jean-Mi soient là ou pas, il n’y a pas vraiment de différences. Donc, en cas de coup de mou, il suffit de boire un verre, et puis, c’est moins contraignant que d’aller courir 45 minutes. Quand tout à coup, ça y est, l’alcool a trouvé sa fonction !
La consommation va s’installer progressivement, accompagnée de pensées de types « je peux arrêter si je veux, c’est plus un plaisir ». Puis, la fréquence augmente « c’était vraiment une grosse journée, j’ai bien mérité un verre ». Puisque les consommations se font plus régulières, le corps s’habitue aux effets, il faut donc augmenter les doses pour ressentir l’intensité initiale.
Tout ça peut paraître prévisible et contrôlable, mais gardez en tête notre triade du départ : pour faire face à un coup de mou, il faut du soutien social, qui n’es pas toujours accessible ou disponible. Mais la substance oui. Et plus on l’utilise pour se soulager après un moment de stress ou lors d’une baisse de l’humeur, plus le cerveau va enregistrer ce comportement comme une solution. Il étendra cette « solution » à d’autres problèmes… Et encore d’autres problèmes… Et cette solution provoquera d’autres problèmes (isolement, difficultés financières, fatigue, irritabilité…). Oui, c’est bien le phénomène de généralisation du conditionnement.
« Si ça créé des problèmes, autant arrêter »
Merci de cette intervention hautement perspicace Josiane !
Pourquoi est-ce aussi difficile d’arrêter ?
Puisque la substance a pris une fonction de solution, l’arrêt des consommations va provoquer de l’anxiété et pour le cerveau, la solution à l‘anxiété… C’est la consommation. On appelle ça le « Craving », ce qui correspond à l’envie irrépressible et incontrôlable de consommer. Rappelons encore une fois que beaucoup de facteurs sont en jeu et vont influencer la vision et la prise de décision du consommateur pour retourner irrémédiablement dans ses consommations. On pourrait comparer ça à des sables mouvants. Plus on se débat pour s’en sortir, plus on s’enfonce. La volonté est bien présente, mais le consommateur n’a pas de prise.
« Donc, il n’y a aucune solution ? »
Si ! Et heureusement ! Mais le programme est conséquent et multifactoriel.
Les solutions thérapeutiques :
- Education : Le consommateur doit comprendre le fonctionnement d’une addiction
- Investigation : Déterminer les stimuli responsable du craving
- Rééducation : Stimuler la sécrétion de sérotonine, dopamine et endorphine avec d’autres activités
- Exposition : Désamorcer les situations anxiogènes
- Sociabilisation : Développer des interactions sociales significatives
Les addictions concernent beaucoup de substances en plus de l’alcool (cannabis, tabac, cocaïne, héroïne…) mais touche aussi à l’alimentation (on parle alors de Trouble du Comportement Alimentaire, TCA) et aux comportements (Addiction sans substance ou comportementale).
En bref, l’addiction n’est pas qu’une question de volonté, c’est un phénomène complexe et multifactoriel qui nécessite encore beaucoup de recherches pour l’aborder efficacement. => Contact
En bonus, vous trouverez une petite vidéo illustrative des addictions à destination des plus jeunes comme des plus âgés ici.
Bibliographie :
- Becker G.S., Murphy K.M. (1988). A theory of rational addiction, The Journal of Political Economics, 96, pp. 675-700.
- Lesh K.P., Bengel D., Heils A., Sabol S.Z., Grennberg B.D. (1996). « Association of anxiety with a polymorphism in the serotonine transporter gene regulatory region », Sciences, 274, pp. 1527-1532.
- Rogers R.D. (2011). « The role of dopamine and serotonine in decision-making : evidence from pharmacological experiments in humans », Neuropharmacology, 36, pp. 114-132.
- Rustichini A. (2008). « Dual or unitary system ? Two alternative models of decision-making », Cognitive affective and behavioral neuroscience, 8, pp. 355-362.
FAQ
Quels sont les principaux facteurs d’une addiction ?
L’addiction est un phénomène complexe influencé par plusieurs facteurs :
- Facteurs biologiques : des prédispositions génétiques et des modifications neurochimiques dans le cerveau (dopamine, circuit de la récompense).
- Facteurs psychologiques : stress, anxiété, dépression, traumatisme, faible estime de soi.
- Facteurs sociaux et environnementaux : influence des proches, pression sociale, disponibilité du produit ou du comportement addictif (ex. jeux vidéo, substances, réseaux sociaux).
- Facteurs comportementaux : habitudes renforcées par la recherche de plaisir immédiat et l’évitement de la souffrance.
Pourquoi l’addiction n’est-elle pas qu’une question de volonté ?
L’addiction modifie le fonctionnement du cerveau, notamment les circuits de la récompense et de la prise de décision. Cela entraîne :
- Une perte de contrôle : le cerveau devient dépendant de la substance ou du comportement.
- Un besoin compulsif de répéter l’action, même en connaissant les conséquences négatives.
- Une altération des fonctions cognitives : difficultés à anticiper les risques et à résister aux impulsions.
L’addiction est donc bien plus qu’un simple manque de volonté : c’est une condition qui nécessite un accompagnement adapté.
Comment fonctionne le craving ?
Le craving est une envie intense et irrépressible de consommer une substance ou d’adopter un comportement addictif. Il est déclenché par :
- Des stimuli internes (stress, émotions négatives, fatigue).
- Des stimuli externes (voir une publicité, être dans un environnement associé à la consommation).
- Des mécanismes neurologiques : libération de dopamine, activant le circuit de la récompense et renforçant le besoin de reproduire l’acte addictif.
Le craving est souvent à l’origine des rechutes, ce qui explique la difficulté à se libérer d’une addiction.
Quelles sont les solutions pour lutter contre une addiction ?
La prise en charge d’une addiction repose sur plusieurs stratégies :
- Un suivi thérapeutique : thérapies comportementales et cognitives (TCC), thérapie motivationnelle, hypnothérapie.
- Un accompagnement médical : sevrage encadré, substituts médicamenteux si nécessaire.
- Un soutien social : groupes de parole, associations spécialisées.
- Des stratégies de gestion du craving : techniques de relaxation, restructuration cognitive, activités de remplacement.
- Une approche globale : travail sur les émotions, l’environnement et le mode de vie pour prévenir les rechutes.
MARIUS François Psychologue et Hypnothérapeute Moulins 03000